La fidélité

Depuis plus de 130 ans, un noyau enseignant se veut le guide de millions de personnes. Revendiquant l’investiture de Jésus-Christ par l’application d’une compréhension gauchie de Matthieu 24:45 : “ Quel est donc l’esclave fidèle et avisé que son maître a établi sur ses domestiques, pour leur donner leur nourriture en temps voulu ? Heureux cet esclave si son maître, en arrivant, le trouve en train de faire ainsi !"(TMN), ce petit groupe formé dès l’origine par cooptation se pose en prophète.

Mais il ne suffit pas de revendiquer la position et l’autorité d’un prophète, il faut en démontrer la qualité et la véracité. Sous ces deux aspects, ce noyau d’enseignants fait défaut. Il s’est révélé un faux prophète : ce qu’il a annoncé ne s’est pas réalisé, et un prophète sans mandat irréfragable : son mandat vient d’une appréciation partisane des événements invisibles qui se seraient déroulés dans les cieux depuis 1914, fin des Temps des Gentils. Or, cette compréhension particulière de le fin des Temps des gentils est infondée, l’année 1914 est un fantasme.

Bien plus, ce faux prophète n’a pas fait que guider ses lecteurs et auditeurs sur une compréhension litigieuse de la Bible et du monde en général, il a pesé de toute son autorité absolue sur les choix personnels de ceux qui sont tombés sous sa coupe : refus des transfusions sanguines, rejet du statut d’objecteur de conscience pendant des dizaines d’années (pour une bête histoire de 2/3- 1/3) , refus d’un véritable droit de vote librement exprimé. Devant de telles prétentions et un tel ascendant il convient fort légitimement de se demander : à qui doit aller la fidélité ?

Si l’on analyse le système jéhoviste avec un minimum d’esprit critique, il est assez évident que la fidélité à la Société (Watch Tower) est mise sur le même pied que la fidélité à Dieu.

Bien que les Témoins prétendent le contraire, il n’y a pas de lien direct entre le croyant et Dieu. Entre les deux, il y a la Société. Si un Témoin, après avoir lu un passage biblique et prié avec ferveur, parvient en son âme et conscience à une autre interprétation que celle imposée par la Société et agit en conséquence, sa fidélité à Dieu sera mise en doute.

L’autorité de la Société est donc égale, sinon supérieure, à celle de Dieu Lui-même.

De même, l’autorité de la Bible est subordonnée à celle de La Tour de Garde (et des autres publications de la Société). D’ailleurs, dans ces conversations "spirituelles", un Témoin zélé fera plus souvent référence à La Tour de Garde qu’à la Bible. "La Tour de Garde dit ceci..." "La Société préconise cela..." "L’article d’étude du 1er mai de La Tour de Garde devrait t’aider à résoudre ton problème..."

L’astuce, de la part de la Société, consiste à faire croire que ses décrets incontournables (car leur rejet est cause d’excommunication), sont des décisions personnelles et mûrement réfléchies de chacun des adeptes. En réalité, pour l’adepte, la seule question personnelle mûrement réfléchie est celle-ci : "Vais-je continuer de faire confiance, et donc de me soumettre, aux exigences de la Société ?"

Je postule que lorsque qu’un Témoin fait de la prison pour refus de service militaire ou civil, lorsqu’un Témoin refuse une transfusion sanguine, il agit de la sorte et avant tout par fidélité envers la Société. On peut renoncer à sa liberté par conviction personnelle. D’ailleurs, avant l’adoption de lois sur l’objection de conscience, les Témoins n’étaient pas les seuls à faire de la prison...

Par contre, face à la mort, les convictions personnelles suffisent rarement. Il est nécessaire, dans l’immense majorité des cas, qu’un sergent terrifiant, représentant d’une lourde hiérarchie militaire, aboye des ordres pour qu’un petit soldat acceptent de monter au front sous les balles ennemies. De même, sans la lourde machine jéhoviste qui le pousse en avant (les sentinelles du CLH sont là pour ça), je suis persuadé que la plupart des Témoins, même convaincus, finiraient par accepter la transfusion salvatrice.