Matthieu chap 20

20:1 Car le royaume des cieux est semblable à un maître de maison qui sortit dès le matin, afin d'embaucher des ouvriers pour sa vigne.
2 Il se mit d'accord avec les ouvriers pour un denier par jour et les envoya dans sa vigne.

Souvenons-nous que Matthieu n'a pas divisé son Évangile en chapitres et en versets. Ce ne fut qu'en 1227 que Stephen Langton, professeur à l'université de Paris, puis archevêque de Cantorbéry, divisa la Bible en chapitres. Dans le texte original de Matthieu, le verset 1 du chap 20 était la suite du dernier verset du chap 19, ce qui donnait :
"Plusieurs des premiers seront les derniers et plusieurs des derniers seront les premiers. Car le royaume des cieux est semblable à un maître de maison qui sortit dès le matin, afin d'embaucher des ouvriers pour sa vigne." Ce "car" relie donc le texte précédent au nouveau texte que nous examinons maintenant. Gardons cela présent à l'esprit !

Le royaume des cieux est semblable à "un maître de maison" qui est propriétaire d'une "vigne". Cela nous rappelle les paroles de Jésus : "...  mon Père est le vigneron." (Jean 15:1)
Dans la Parabole des ouvriers embauchés à différentes heures que nous examinons maintenant, c'est donc Dieu qui embauche "des ouvriers pour sa vigne" en se mettant d'accord "dès le matin" avec les premiers embauchés pour un salaire de "1 denier par jour" puis il "les envoya dans sa vigne."

"La vigne" illustre certains aspects du "royaume des cieux" (Matthieu 20:1; 21:41,43)

20:3 Il sortit vers la troisième heure, en vit d'autres qui étaient sur la place sans rien faire
4 et leur dit : Allez, vous aussi à ma vigne, et je vous donnerai ce qui sera juste.
5 Ils y allèrent. Il sortit de nouveau vers la sixième, puis vers la neuvième heure, et il fit de même.
6 Vers la onzième heure il sortit encore, en trouva d'autres qui se tenaient (encore) là et leur dit : Pourquoi vous tenez-vous ici toute la journée sans rien faire ?
7 Ils lui répondirent : C'est que personne ne nous a embauchés. Allez, vous aussi, dans la vigne, leur dit-il.

Le propriétaire de la vigne revient sur la place du marché à plusieurs reprises au cours de la journée de 12 heures de travail : à la 3è heure, à la 6è, à la 9è et même à la 11è heure et chaque fois, il trouve encore d'autres ouvriers qui attendent d'être embauchés, ce qui ressort clairement de leur réponse à la question du propriétaire de la vigne qui leur demande pourquoi : "C'est que personne ne nous a embauchés" ! Et chaque fois, il les embauche et les envoie dans sa vigne, sans toutefois fixer à l'avance un salaire comme ce fut le cas pour les premiers qui étaient déjà venus tôt le matin.

Certains travaillent donc plus longtemps que d'autres. On remarquera aussi que ceux qui n'étaient pas là au début de la journée de travail à 6 heures du matin - sans que les raisons soient indiquées - reçoivent tout au long du jour à divers moments encore une chance d'obtenir un salaire puisque le propriétaire de la vigne leur dit : "je vous donnerai ce qui sera juste."

Rappelons que le propriétaire de la vigne qui embauche représente Dieu et que les embauchés sont les "appelés" destinés à entrer dans le royaume de Dieu. La place où ils se tiennent et attendent représente "le monde." Gardons aussi à l'esprit que finalement, selon les Saintes Écritures "il y a beaucoup d'appelés mais peu d'élus" ! (Matthieu 22:14)

20:8 Le soir venu, le maître de la vigne dit à son intendant : Appelle les ouvriers et paie-leur le salaire, en allant des derniers aux premiers.
9 Ceux de la onzième heure vinrent et reçurent chacun un denier.

"Le soir venu" - ce qui correspond à la fin de la journée de travail - c'est le moment  de donner à chaque ouvrier son salaire. Le maître de la vigne charge son "intendant" de payer le salaire. Qui est représenté par "l'intendant" du propriétaire de la vigne ?

Les commentateurs me semblent unanimes à interpréter "l'intendant" comme représentant Jesus-Christ, le Fils de Dieu à qui tout à été confié par le Père. Comme en toutes choses, Jésus va agir conformément aux instructions du Père.

Surprise : l'intendant va payer le salaire des ouvriers "en allant des derniers aux premiers" ! Et là, nouvelle surprise de taille cette fois : "Ceux de la onzième heure vinrent et reçurent chacun un denier."

Si l'intendant avait commencé par les premiers ouvriers venus travailler à partir de 6 heures du matin pour leur donner leur denier convenu, ceux-ci seraient ensuite partis et la suite du déroulement de la parabole aurait été différent car ils n'auraient pas eu la surprise de voir que les derniers ouvriers venus qui travaillèrent seulement 1 heure "reçurent chacun 1 denier"

20:10 Les premiers vinrent ensuite pensant recevoir davantage, mais ils reçurent eux aussi, chacun un denier.
11 En le recevant, ils murmurèrent contre le maître de la maison
12 et dirent : Ces derniers venus n'ont fait qu'une heure, et tu les traites à l'égal de nous, qui avons supporté le poids du jour et la chaleur.
13 Il répondit à l'un d'eux : Mon ami ! Je ne te fais pas tort, n'as-tu pas été d'accord avec moi pour un denier ?
14 Prends ce qui est à toi et va-t'en. Je veux donner à celui qui est le dernier autant qu'à toi.
15 Ne m'est-il pas permis de faire de mes biens ce que je veux ? Ou vois-tu de mauvais œil que je sois bon ?

"Les premiers" qui avaient travaillé toute la journée dans la vigne étaient évidemment très étonnés de voir que "les derniers" venus qui n'avaient travaillé qu'une seule heure reçurent 1 denier. Ils s'attendaient alors à recevoir bien plus puisqu'ils avaient travaillé 11 fois plus que "les derniers". Ils furent donc choqués "lorsqu'ils reçurent eux aussi, chacun un denier." Ils manifestèrent leur mécontentement  et "murmurèrent contre le maître de la maison." Ils ne supportèrent pas d'être traités "à l'égal" de ceux qui n'avaient travaillé qu'une seule heure. À leurs yeux, c'était une grande injustice car ils avaient "supporté le poids du jour et la chaleur."

La réponse du maître est individuelle. La plupart des traductions rendent le grec εταιρε (hetaire) par "mon ami" (qui en grec serait plutôt φιλε phile). D'autres traductions rendent donc plus correctement par "compagnon" (TMN, Olivetan). Rillet traduit par "camarade."

Le maître prouve qu'il n'agit pas injustement : "Je ne te fais pas tort, n'as-tu pas été d'accord avec moi pour un denier ?" Puis il exprime toute la dureté de son jugement en disant : "Prends ce qui est à toi et va-t'en." Leur relation temporaire se termine par ces arguments irréfutables : "Je veux donner à celui qui est le dernier autant qu'à toi. Ne m'est-il pas permis de faire de mes biens ce que je veux ? Ou vois-tu de mauvais œil que je sois bon ?" La bonté du maître devient évidente par la grâce qu'il fait à ceux qui n'ont pas pu travailler toute la journée mais qui doivent pourvoir eux aussi à leurs besoins et aux besoins de leurs familles. Avec ces paroles "Prends ce qui est à toi et va-t'en", les relations temporaires du maître avec ces mécontents se terminent.

Un enseignement très important à en tirer est qu'on est sauvé par grâce et non par mérite personnel !

20:16 Ainsi les derniers seront les premiers et les premiers seront les derniers.

La Parabole des ouvriers embauchés à différentes heures se termine avec la thèse initiale que Jésus développa par un ensemble d'arguments servant d'illustration.
Quant à vous chers lecteurs, le moment est venu de tirer votre propre conclusion.

Voici la mienne :
En terminant par "ainsi ...", Jésus nous dit : comme l'a montré le contenu de la parabole "les derniers seront les premiers et les premiers seront les derniers." Cette conclusion constitue notamment un avertissement dont Judas - qui était un des "premiers" - n'a pas tenu compte ! Il a entendu de nombreuses fois Jésus condamner des conducteurs religieux de son époque parce qu'ils recherchaient leur avantage et méprisaient les am haarets, ceux du commun peuple qu'ils considéraient être "les derniers". Judas tirait avantage de sa position d'apôtre en s'appropriant de l'argent de la caisse commune qui lui était confiée et il a fini pas vendre le Messie pour 30 pièces !

Comme les conducteurs religieux du peuple de l'antiquité, les conducteurs religieux des églises et communautés chrétiennes recherchèrent et recherchent toujours les honneurs et les avantages rendus possibles par leur position de "premiers" dans leurs groupes respectifs ! Jésus n'a jamais divisé ses disciples en 2 classes : un clergé et les ouailles ! Il est vrai que des papes et d'autres conducteurs religieux ont réalisé de grandes oeuvres en faisant construire des bâtiments somptueux devenus célèbres comme autrefois Hérode le grand avait restauré et agrandi le second temple en collaboration avec les autorités religieuses de l'époque. Ils ont tous eu leur "salaire" de leur vivant.

Jésus avait dit : "Beaucoup sont appelés, peu sont élus" ! Tous les appelés étaient embauchés à travailler pour le royaume de Dieu. Ceux qui de nos jours estiment être parmi "les appelés" devraient s'examiner honnêtement à la lumière des paroles de Jésus dans La Parabole des ouvriers embauchés à différentes heures qui rend l'examen personnel aisé puisqu'elle dévoile les coeurs.

Ai-je compris que tout ce que je reçois l'est par grâce et non par mérite personnel ? Les "premiers" ouvriers condamnèrent la grâce accordée par le maître de la vigne aux "derniers" venus ! Mépriser la grâce est le plus sûr moyen d'en être privé soi-même !

20:17  Sur le point de monter à Jérusalem, Jésus prit à part les douze et leur dit en chemin :
18 Voici : nous montons à Jérusalem, et le Fils de l'homme sera livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes. Ils le condamneront à mort
19 et le livreront aux païens, pour qu'ils se moquent de lui, le flagellent et le crucifient, et le troisième jour il ressuscitera.

Il est absolument remarquable avec quelle lucidité Jésus va monter à Jérusalem pour y subir son martyre !
Combien de fois ses ennemis cherchèrent à se saisir de lui mais ils en furent empêchés car "son heure n'était pas encore venue."" (Jean 7:30). Maintenant, le 14 Nisan approchait et, conformément à la prophétie de Daniel des 70 septaines, au milieu de la dernière des septaines - donc après 3 ans 1/2 de service (Daniel 9:24-27) - Jésus allait être sacrifié le jour de la pâque juive comme "agneau qui ôte le péché du monde." (Jean 1:28-29)

Jésus prépare ses apôtres pour qu'ils ne soient pas surpris par ces évènements annoncés dans les prophéties. Dans peu de temps s'accomplira ce qui avait été prédit dans la prophétie du livre d'Ésaïe :

Citation :

3 Méprisé et abandonné des hommes, Homme de douleur Et habitué à la souffrance, Semblable à celui devant qui l'on se voile la face, Il était méprisé, Nous ne l'avons pas considéré.
4 Certes, ce sont nos souffrances qu'il a portées, C'est de nos douleurs qu'il s'est chargé ; Et nous, nous l'avons considéré comme atteint d'une plaie ; Comme frappé par Dieu et humilié.
5 Mais il était transpercé à cause de nos crimes, Écrasé à cause de nos fautes ; Le châtiment qui nous donne la paix est (tombé) sur lui, Et c'est pas ses meurtrissures que nous sommes guéris.
6 Nous étions tous errants comme des brebis, Chacun suivait sa propre voie ; Et l'Éternel a fait retomber sur lui la faute de nous tous.
7 Il a été maltraité, il s'est humilié Et n'a pas ouvert la bouche, Semblable à l'agneau qu'on mène à la boucherie, A une brebis muette devant ceux qui la tondent ; Il n'a pas ouvert la bouche.
(Ésaïe 53:3-7)

20:20 Alors la mère des fils de Zébédée s'approcha de Jésus avec ses fils, et se prosterna, pour lui faire une demande.
21 Il lui dit : Que veux-tu ? Ordonne, lui dit-elle, que mes deux fils que voici soient assis, dans ton royaume, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche.
22 Jésus répondit : Vous ne savez ce que vous me demandez. Pouvez-vous boire la coupe que je vais boire ? Nous le pouvons, dirent-ils.
23 Et il leur répondit : Il est vrai que vous boirez ma coupe, mais pour ce qui est d'être assis à ma droite et à ma gauche, cela n'est pas à moi de le donner, sinon à ceux pour qui cela est préparé par mon Père.

Les fils de Zébédée étaient Jacques et Jean. Leur mère s'approcha de Jésus à la manière typiquement orientale en se prosternant devant lui, suite à quoi il lui demanda ce qu'elle voulait de lui. "Ordonne, lui dit-elle, que mes deux fils que voici soient assis, dans ton royaume, l'un à ta droite et l'autre à ta gauche."

En répondant : "Vous ne savez ce que vous me demandez" - donc au pluriel -, Jésus inclut Jacques et Jean comme demandeurs par leur mère. Il avait donc compris que la demande venait également des fils et pas seulement de la mère ! La suite de sa réponse nous apprend aussi que "pour ce qui est d'être assis à ma droite et à ma gauche, cela n'est pas à moi de le donner, sinon à ceux pour qui cela est préparé par mon Père."

Jésus saisit l'occasion pour leur apprendre qu'il y a des conditions à remplir pour se voir attribuer par le Père d'être assis à sa droite et à sa gauche dans son royaume, notamment : "boire la coupe que je vais boire." Après que Jacques et Jean eurent déclaré à Jésus qu'ils pourront "boire la coupe", Jésus prédit : "Il est vrai que vous boirez ma coupe." Jacques et Jean savaient donc à l'avance qu'ils devraient passer par de dures épreuves auxquelles ils feraient face fidèlement à l'exemple de leur maître :
- Jacques fut effectivement exécuté : "En ce temps-là, le roi Hérode se mit à persécuter quelques-uns des membres de l'Église. Il fit mourir par l'épée Jacques, le frère de Jean." (Actes 11:1-2)
- Jean prit "part à la tribulation, ... et à la persévérance en Jésus" (Apocalypse 1:9), il fut emprisonné (Actes 5:18), sa vie était en danger (Actes 5:33), il fut battu de verges (Actes 5:40) et exilé sur l'île de Patmos (Apocalypse 1:9).

20:24 Les dix qui avaient entendu cela furent indignés contre les deux frères.

La réaction des dix autres apôtres ne se fit pas attendre ! Le texte nous apprend qu'ils furent indignés contre Jacques et Jean qui avaient demandé à Jésus d'être assis l'un à sa gauche et l'autre à sa droite dans le royaume de Dieu.

Était-ce vraiment la bonne réaction des 10 autres apôtres ? Cela n'allait-il pas attiser une certaine rivalité entre eux, ce qui serait désormais un facteur de désunion ?

Était-ce vraiment si important de savoir lequel allait être "le plus grand" parmi eux ? Ils avaient tous la perspective de vivre éternellement dans la maison du Père en compagnie de Jésus. Après être nés de nouveau d'eau et d'esprit saint, ils obtiendraient en temps voulu "la nature divine" comprenant l'immortalité et l'incorruptibilité, la forme de vie la plus élevée. Le plus important n'était-il pas d'être sauvés et de parvenir dans la maison du Père pour l'éternité ?

Les apôtres avaient encore beaucoup à apprendre. Jésus va se charger de les raisonner.

20:25 Jésus les appela et dit : Vous savez que les chefs des nations les tyrannisent, et que les grands abusent de leur pouvoir sur elles.
26 Il n'en sera pas de même parmi nous. Mais quiconque veut être grand parmi vous sera votre serviteur
27 et quiconque veut être le premier parmi vous sera votre esclave.
28 C'est ainsi que le Fils de l'homme est venu, non pour être servi, mais pour servir et donner sa vie en rançon pour beaucoup.

Jésus raisonne avec ses apôtres sur leur position dans le royaume de Dieu en montrant clairement la différence dans l'attitude à adopter en comparaison avec les dirigeants des nations. Ceux qui veulent être "les premiers" parmi "les chefs des nations" les dominent avec dureté. Il faut que tout le monde soit à leur service !

Dans le royaume de Dieu, quiconque veut être le premier doit être au service de tous. Jésus donnera sous peu aux apôtres - et à tous ceux qui liront les Evangiles - un modèle qu'ils ne seront pas prêts d'oublier : il va laver les pieds de ses apôtres. Jésus ira encore plus loin pour eux : il donnera même sa vie "en rançon" pour eux et tous ses sujets en qualité de Roi des rois et Seigneur des seigneurs.

Les rois de la chrétienté pensant régner par la grâce de Dieu étaient loin de comprendre et d'appliquer la leçon donnée par Jésus. Et que dire des papes, des cardinaux, des évêques et des autres conducteurs religieux dans les diverses églises et communautés chrétiennes ? Dans le livre de l'Apocalypse 1:16, Jésus tient dans sa main "7 étoiles" qui représentent les "messagers" des églises, ceux qui doivent faire luire la lumière céleste en enseignant humblement sur la base des Saintes Écritures avec l'aide de l'Esprit saint. Malheureusement, la réalité a été toute autre dans la majorité des cas. Les rivalités entre ces conducteurs religieux a été et est toujours une guerre des "étoiles" !

Quant aux bergers authentiques - les imitateurs de Jésus - il y en a eu tout au long des siècles jusqu'à nos jours et heureuses sont les brebis qui sont servies par de tels serviteurs humbles et modestes.